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ISBN 978-2-490956-02-9

Stories of z : origine 2

Stories Of Z : ORIGINE 2

 

 

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Notre société à une part de responsabilité dans les monstres qu’elle engendre.

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Prologue


 

Je ne sais plus vraiment qui je suis, ni ce que j’étais avant, mais un prénom me revient souvent, Albert Luis. Une seule journée semble réelle dans mon existence voici comment elle débute.

Je me réveillais en sursaut la bave aux lèvres. L’obscurité autour de moi me paraissait moins oppressante qu’à l’accoutumée. Une lumière blafarde perçait la pénombre au travers des volets clos. Me redressant, je sentais la fatigue pesante s’accrocher à mes muscles. Mes yeux piquants de sommeil s’habituaient rapidement aux couleurs du matin. Je soupirais en grognant. M’étirant longuement, ma main effleura le drap froid, s’attardant sur un corps dissimulé sous l’étoffe. Elle était là. Sa respiration profonde laissait penser qu’un lourd repos la tenait.

Mes muscles emplis d’une raideur matinale, que je ne leur connaissais pas, me tirèrent une grimace ou un rictus, que j’entraperçus dans le miroir de l’habilleuse. Titubant et bringuebalant, d’un pas mal assuré, mon corps s’astreignait à se mettre en branle. Devant me motiver en m’affrontant, je m’obligeais à me rendre à la selle de bain pour une douche qui réveillerait l’homme.

Le rasoir piquait fort. Les lames affûtées m’écaillaient l’épiderme, me rappelant une adolescence aux mains malhabiles et tremblantes à sa première tentative de conformisme au dictat du visage neutre. Ouvrant le robinet, l’eau ne venait pas. Étrange. Des doigts agiles auraient insisté sur les manettes pour en obtenir quelques gouttes, mais j’abandonnais rapidement l’idée sans aucun doute liée avec mon manque de préhension. En d’autres temps, j’irais jusqu’à puiser l’eau dans une tuyauterie hors d’âge, mais ce matin la dureté du geste portait plus vers un handicap qu’un manque de force.

La cuisine baignait dans une lumière aveuglante. La cafetière vide stridulait et grésillait, mais rien ne perlait à son bec de fer blanc. Les tasses de la veille, échouées sur l’évier, traduisaient la précipitation d’un autre matin. Ne m’attardant pas pour une collation, qui sur l’instant ne m’apparaissait pas comme une évidence, j’attrapais mes clefs tant bien que mal, et me dirigeait vers le hall d’entrée. Un bruit.

Je tendais l’oreille face au silence de mort. Nul frisson ne me parcourrait l’échine. Mais une chose gigotait entre les meubles et les ombres, tentant de se dissimuler. Objectivement, mon esprit aurait dû faire le rapprochement, mais aucune pensée rationnelle ne parvenait à envahir cet espace entre l’instinct et la réflexion. Et pourtant, la surprise ne me prit pas au dépourvu quand, surgi de nulle part, notre chat se jeta sur mes pieds pour des jeux espiègles, fait de griffes et de ronronnements. Comme une furie, il disparut.

La porte donnant sur le perron n’avait été que poussée. Un oubli certain. À l’extérieur, tout semblait calme et paisible hormis quelques déchets répandus sur les pelouses. Nos voisins venaient une nouvelle fois d’envahir nos tulipes avec leur berline, dégageant au passage le portique de notre fils et une rangée de clôtures. Étrangement, je ne sentais nulle colère monter en moi, seule la perplexité m’assaillait.

Notre garage, lui aussi grand ouvert, se remarquait par l’absence de tout véhicule, à croire que la malchance me poursuivait inlassablement. Je regardais désabuser l’emplacement vide un peu perdu tout de même devant ce phénomène inexpliqué. Mais, sans chercher une explication contraignante pour mon cerveau visiblement paralysé, je marcherais pour rejoindre l’arrêt de bus. L’arrêt ne se trouvait qu’à une centaine de mètres. En cette matinée de toutes les calamités, l’attente fut vaine, je me résignais alors, à gagner le centre-ville par mes propres moyens.

Je croisais un grand nombre de camions de pompier, de police et autres secours, sans aucune vie aux alentours. Au premier abord, le monde avait cessé d’exister pour une raison qui m’échappait, mais, plus mes pas me rapprochaient du centre, plus la foule semblait sortir de nulle part et particulièrement exciter. Des pétarades provenaient de quelques ruelles lointaines. Sans doute l’émanation d’une fête ou un défilé quelconque, en l’honneur de je ne sais qui pour un je ne sais quoi. Il faut bien avouer que tout devenait prétexte pour boire, s’engueuler, et chanter à tue-tête.

Je balayais du regard Lauderdale pour m’apercevoir (ou du moins, en avoir l’impression) que la vie abondait dans ce secteur de notre belle ville de Minneapolis. La cohue et les cris résonnaient contre les buildings de verre et d’acier. La foule semblait prendre du bon temps. S’attrapant, se roulant au sol comme des enfants de maternel, rageant, grognant, hurlant, tous participaient à cette foire en oubliant les bonnes mœurs et, le que dira-t-on.

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I


 

C’est en décembre, à quelques jours des fêtes que la première vague de contamination “non régulée” eût lieu. Pas de celle qui touche un individu par ci, un individu par là, que vous tuez d’un coup de flingue et que vous jetez sur un bûcher, histoire de les oublier et de passer à autre chose, non ! Plutôt celle qui vous force à vous défendre !

Steve, le barman du Tiki-Toast, se sentait particulièrement nauséeux depuis plusieurs jours. Sa phycologie même avait changé, s’agaçant plus rapidement, moins enclin à la conversation, limite à devenir un nouveau Sarge. Le quelque chose qui sommeillait en lui se réveilla le dix-neuf. Une neige épaisse et lourde recouvrait tout. Grisâtre, voire boueuse sur la route, elle restait parfaitement immaculée sur les trottoirs. Des gamins empilaient des boules dans les jardins pour en créer des êtres difformes dont la silhouette rappelait vaguement celle des bonshommes de neige des bandes dessinées, avec sa carotte en guise de nez, et quelques artifices pour le reste. En cette matinée, les flocons tombaient dru. Lisa aimait ce temps ou tout devient blanc, ou tous les bruits sont étouffés. Elle flânait et sans le vouloir vraiment se dirigeait vers le rade. Tout le long de la route, les habitations se paraient de leurs plus belles décorations, car bientôt ce serait le grand soir.

Un livreur terminait de décharger les fûts de bière blanche devant l’entrée. Des guirlandes tentaient d’égayer la façade, elles clignotaient en alternant du rouge et du bleu. Un sapin en plastique d’un vert trop clair trônait à côté des battantes. Lisa entra. À l’intérieur, des festons déplumés se devaient d’ajouter un peu de chaleur et de fête, en l’honneur de la naissance du sauveur des Hommes. Bien qu’il eût fait son job, ils étaient et sont toujours aussi cons ! Steve, derrière le zinc, essuyait des verres avec son tablier taché. Tous les tabourets étaient libres et Lisa prit place face à lui. Il ne posa pas un regard sur elle. Pas un bonjour pas un merde ! Rien !

— Bonjour, Steve, pourrais-je avoir un café bien chaud ?

Il la servit à la va-vite sans lever les yeux vers elle. Lisa quelque peu agacée tenta une approche différente.

— Aurais-je dit ou fait quelque chose qui engendrerait un mépris de votre part ?

Dans un premier temps, il grogna, et sans lever la tête il dit.

— Ne vous inquiétez pas, une fois que j’en aurais terminé, je m’occuperais de vous.

Sa voix inhabituelle et glaçante la transperça. Étrange. Une brise froide entra par les portes, car d’autres personnes entraient pour se réchauffer. « Merci Seigneur ! » Toujours silencieux. Lisa avec sa curiosité maladive s’efforçait de comprendre.

— Que se passe-t-il, Steve ?

— Passez dans l’arrière-boutique je vais vous montrer de quoi il retourne.

C’est gagné par la crainte qu’elle l’accompagnait. Serrant les poings, prête à toute éventualité. Mais, contre toute attente, il eut plus de deux mots de vocabulaires. Il alluma et avant de se retourner il demanda fébrilement.

— Je veux votre avis de médecin, mais promettez-moi de ne pas avoir peur !

— D’accord.

Lisa, à la vue de son visage eut un mouvement de recul. Son nez était recouvert d’un sparadrap et des taches sombres se dessinaient sous sa peau. Et ses yeux ! Ses yeux habituellement d’un vert profond, était injecté de sang. Il tenta de sourire pour désamorcer la frayeur de l’instant, même ses dents s’étaient couvertes d’une couleur vert-de-gris.

— Alors qu’en pensez-vous ?

Il avait une haleine pire que celle du chacal, bien que Lisa n’y eût jamais mis le nez !

— Vous devriez vous rendre aux urgences ! Je peux vous y emmener !

— Impossible !

Il reprenait cette voix inhabituelle et glaçante.

— Pour l’heure, j’ai d’autre projet pur vous ! Ce sera ici et maintenant ! Et même si je sens le bout de bite de votre ex-mari, peu m’importe !

Il fit un pas en avant, elle fit un pas en arrière.

— Ne tentez pas de fuir !

Le barman passa sa main dans son dos et attrapa quelque chose de coincé dans sa ceinture. Il sortit un petit 38 noir charbon.

— Alors nous en sommes là ? Vous allez me demander de vous faire une pipe et après s’il vous reste un peu de courage, vous me prendrez sur ce sol en béton dégueulasse comme une chienne ?

Il ne répondit pas. L’arme s’abaissa.

— Partez Lisa !

Il resta seul dans la petite pièce. Mais elle n’eut pas le temps de sortir dans la rue pour demander de l’aide. Un hurlement enragé, presque animal, se dégagea de l’arrière-boutique. Tous l’entendirent, mais tous restèrent pétrifiés, se demandant ce qu’il pouvait bien se passer. C’est en le voyant faire irruption la bave aux lèvres que la panique les prie. Il sauta par-dessus le comptoir et mordit le premier à la gorge qui s’écroula dans des convulsions de pendu. Puis un second, puis un troisième, Lisa sortit en courant droit devant elle, il était déjà à sa suite. La neige épaisse la ralentissait, mais elle réussit à traverser la route juste sous le nez du camion du livreur qui s’en retournait. Les freins se déclenchèrent, mais les pneus ne trouvèrent pas d’asphalte pour adhérer. Et Steve qui se voyait déjà la croquer fut percuté et projeté au loin, laissant des morceaux de lui-même un peu partout sur la chaussée immaculée. Les flics n’auraient aucun mal à le retrouver avec ce jeu de piste sanguinolent. Mais il n’était pas mort ! Bien qu’ayant perdu plus de la moitié de son corps et que ces viscères traînaient derrière lui, il rampait tant bien que mal laissant, tel un escargot, une longue traînée à sa suite. Lisa le regardait venir, il grognait et gesticulait. Dans sa poche, le 45 était toujours là. Elle s’approcha de lui. Ses mains s’accrochèrent à ses après-skis, il redressa son buste. Elle croisa son regard, il ne restait rien de Steve au fond de cette chose, juste de la haine. Armant le chien, Lisa visa le centre du front. C’en était fini. Déjà une troupe de badauds se formait autour de la dépouille. Lisa traversa la foule pour retourner dans le rade. Elle arrivait trop tard. Les morts revenaient à la vie. Elle en tua deux, et blessa le troisième qui prenait la fuite, celui-là ne faisait pas encore partie de la bande. Sortant son téléphone, elle laissa un message à Sarge.

— Ta merde est sortie du labo et est devenue incontrôlable ! Il faut que nous parlions !

 

Lisa était transie de froid. Assise sur un banc dans le seul park de la ville, elle patientait dans l’espoir qu’il daigne bien se pointer. Finalement il arriva, enveloppé dans son duffle-coat, une écharpe enroulée autour du cou. Les mains dans les poches et le dos voûté, il portait toute la misère du monde. Une fois n’étant pas coutume, elle sortit une cigarette. Elle ne s’en servait quand dernier recourt, lorsque le stress était trop fort.

— Alors comme ça la merde est sortie du labo. De quoi parles-tu ?

— Du poison que vous avez mis au point avec ton nouvel ami ! J’ai été attaqué en début de journée par l’un de vos monstres !

— Attaqué ?

— Tu veux un dessin ? Un putain de mort a essayé de me bouffer !

— Qui ?

— Le barman !

— Raconte-moi tout que je me fasse une idée !

Lisa n’omit aucun détail, Sarge en prenait la nausée.

— Tout ceci est strictement impossible ! Pour ressuscité de la sorte il doit être décédé au préalable ! Nous avons fait suffisamment de tests pour le savoir !

— Eh bien, celui-là était bien vivant la minute d’avant !

— Admettons que je te crois, que préconises-tu ?

— Tu fous le feu au labo, tu détruis tous les documents, tu enterres l’autre con dans une fosse à purin et tu te suicides ! Là au moins nous serrons sûrs que tout sera bel et bien terminé !

— Toujours le mot pour rire ! Non, mais sérieusement !

— Je suis sérieuse, ce truc vous ne pourrez pas le contrôler ! La mort est inéluctable ! Nous sommes programmés à disparaître dès la naissance. Certains l’acceptent, d’autres non, mais la vie est ainsi faite. Après il y a les gens comme vous, avec vos théories fumistes qui proposent une autre alternative, qui pense pouvoir percer les secrets de la vie sans se brûler les doigts. Des millions d’années d’évolutions, dix ans pour découvrir le couteau à ADN, moins d’un an pour créer des monstres ! Mais dans tout ça vous oubliez un détail, qui, à mon sens, à son importance : n’est pas Dieu qui veut !

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